Le retrait de l’armée française du Tchad, annoncé en 2023, marque un tournant dans la coopération militaire entre les deux pays, symbolisant à la fois un réajustement des relations franco-africaines et un moment charnière pour l’engagement militaire de la France en Afrique. Ce retrait s’inscrit dans un contexte de révision des politiques de défense et de sécurité, tant sur le plan national qu’international, et soulève des questions sur l’avenir de l’influence française en Afrique centrale.
Un Partenaire Stratégique de Longue Date
Le Tchad, situé au cœur de l’Afrique, a été un partenaire stratégique pour la France pendant plusieurs décennies. Depuis les années 1960, la France a maintenu une présence militaire importante dans le pays, soutenant le régime tchadien face à diverses menaces, internes et externes. Les relations militaires entre les deux nations ont été renforcées au fil des années, notamment à travers la coopération dans le cadre des opérations militaires telles que Opération Épervier (1986-2014), puis Barkhane, une mission plus large qui visait à lutter contre les groupes djihadistes au Sahel.
Le Tchad, sous la présidence d’Idriss Déby, a été un allié de poids pour la France dans cette région, en particulier en raison de son rôle dans la stabilisation de la région du Sahel. Le soutien militaire français a été crucial pour aider le pays à repousser des rébellions internes, à contrer les attaques de groupes armés, et à maintenir l’ordre dans une zone géopolitique instable.
Le Contexte du Retrait
Le retrait de l’armée française du Tchad s’inscrit dans un contexte de réévaluation plus large des interventions militaires françaises en Afrique. Depuis la mort d’Idriss Déby en avril 2021 et l’arrivée au pouvoir de son fils, Mahamat Idriss Déby Itno, la France a dû faire face à une nouvelle réalité politique et militaire. La situation au Tchad a évolué, avec des tensions internes et des changements dans les dynamiques de pouvoir.
Par ailleurs, le contexte international a changé, avec une montée en puissance des critiques vis-à-vis de la présence militaire française en Afrique. Les contestations populaires, exacerbées par la perception d’un néocolonialisme sous-jacent et par des groupes politiques et sociaux de plus en plus influents, ont renforcé la pression sur le gouvernement français pour reconsidérer ses engagements en Afrique.
Le départ de l’armée française s’inscrit également dans une tendance plus large de la France à réajuster sa posture militaire en Afrique. Après le retrait du Mali et la réorganisation de l’opération Barkhane en 2022, ce retrait du Tchad représente une nouvelle étape dans la réduction de l’influence militaire directe de la France dans la région.
Les Enjeux du Retrait
Le retrait de l’armée française du Tchad a des implications multiples, tant pour le pays que pour la région du Sahel. D’un côté, il marque un changement dans l’équilibre stratégique. La France, tout en maintenant une coopération diplomatique et économique avec le Tchad, laisse un vide militaire qui pourrait être comblé par d’autres puissances, notamment la Russie, qui a renforcé ses liens avec certains pays d’Afrique, ou encore la Chine, qui s’implante économiquement de manière croissante sur le continent.
D’un autre côté, ce retrait peut également être perçu comme une opportunité pour le Tchad de réévaluer sa position géopolitique et de renforcer sa propre souveraineté, tout en cherchant de nouveaux partenariats internationaux. Le pays, qui a longtemps dépendu du soutien militaire français, devra désormais renforcer ses capacités de défense et chercher à diversifier ses alliances internationales.
L’Impact sur la Stabilité de la Région
Le retrait de la France pourrait avoir des conséquences sur la stabilité régionale. Le Tchad, bien qu’il ait connu des périodes de turbulences internes, a joué un rôle clé dans la lutte contre les groupes djihadistes dans le Sahel. La question se pose de savoir si les forces locales seront capables de prendre en charge cette mission sans le soutien militaire français, ou si de nouvelles coalitions régionales, comme la force conjointe du G5 Sahel, pourront maintenir l’ordre dans la région.
Les implications pour la lutte contre le terrorisme et la sécurité en Afrique centrale demeurent incertaines. Le retrait français pourrait aussi laisser un vide sécuritaire susceptible d’être exploité par des groupes armés ou des puissances étrangères cherchant à accroître leur influence dans la région.
Un Nouveau Chapitre pour la Coopération Franco-Tchadienne
Le retrait de l’armée française du Tchad symbolise une évolution significative de la relation entre la France et ce pays d’Afrique centrale. Si ce retrait s’inscrit dans une logique de réorientation des priorités de défense de la France, il laisse aussi un questionnement sur l’avenir de l’influence militaire française sur le continent. Pour le Tchad, ce changement pourra offrir à la fois des défis et des opportunités pour façonner son avenir politique et militaire de manière plus autonome, tout en devant faire face aux enjeux sécuritaires croissants dans la région.
Dans les mois et années à venir, la coopération franco-tchadienne se redéfinira, probablement plus axée sur les aspects diplomatiques et économiques, et moins sur les opérations militaires directes. Ce retrait est sans doute un prélude à de nouvelles dynamiques dans les relations entre l’Afrique et les anciennes puissances coloniales, tout en mettant en lumière la complexité des enjeux de sécurité sur le continent africain.
